Un homme circoncis a-t-il une sensibilité sexuelle différente d’un autre qui possède toujours son prépuce ? Ceux qui ont été opérés suffisamment tard pour comparer la qualité de leurs rapports avant et après noteraient en général une forte baisse de leurs sensations. Toutefois, certains se disent satisfaits, ayant connu des relations sexuelles « peu harmonieuses » à cause d’un prépuce gênant.
Les hommes circoncis jouissent plutôt d’une bonne réputation. On dit notamment d’eux qu’ils font l’amour mieux, et plus longtemps. De quoi satisfaire les femmes qui ont eu pour partenaire des hommes qui atteignaient le septième ciel avant même qu’elles en soient au premier. Mais ces croyances reflètent-elles la réalité ? La sexualité des circoncis est-elle vraiment différente ? Beaucoup d’hommes font état d’une baisse importante de leur sensibilité et de leur plaisir lors des rapports. Mais d’autres se disent satisfaits, estimant que la qualité de leurs relations sexuelles laissait à désirer à cause d’un prépuce trop gênant.
La majorité des circoncisions se fait à un très bas âge, dans le cadre d’une religion ou encore d’une coutume. En grandissant, l’homme circoncis ne ressentira donc pas dans sa sexualité le manque du prépuce, parce qu’il en aura toujours été absent. Ce qui, par ailleurs, ne signifie pas forcément qu’il sera comblé sexuellement, car une opération « ratée » peut provoquer des dysfonctionnements, comme des problèmes d’érection si trop de peau a été coupée. A noter aussi que certains font des « blocages » en s’apercevant qu’on a coupé une partie de leur corps sans les consulter. Une partie qu’ils vont amèrement regretter, s’imaginant, à tort ou à raison, que les problèmes qu’ils rencontrent dans l’intimité sont le fruit de leur « amputation ».
« Le gland est dix fois moins sensible »
Quant aux hommes circoncis sur le tard, pour des raisons médicales ou encore pour les besoins d’une conversion religieuse, ils se plaignent généralement d’une importante altération de leur sensibilité. Phénomène qui serait dû en partie à ce que certains spécialistes appellent la « kératinisation » du gland. « Avec la circoncision, le gland perd l’humidité de sa muqueuse et se recouvre d’une sorte de peau qui le rend moins sensible. Ainsi, le gland d’un homme circoncis est dix fois moins sensible que celui d’un autre qui ne l’est pas », commente Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, auteur du livre Circoncision masculine, circoncision féminine, en se basant sur des études scientifiques. Une position que ne partage pas le Dr Erick Dietrich, sexologue, qui estime que « la circoncision ne réduit pas la sensibilité du gland, mais son hypersensibilité. Car un gland protégé par le prépuce peut parfois être presque douloureux lors des préliminaires ou des rapports. C’est cet inconfort qui disparaît après la circoncision ».
Plusieurs spécialistes assurent qu’il n’y a pas d’étude fiable et de grande ampleur pour définir l’impact exact de la circoncision sur la sexualité. En revanche, il existe quelques recherches à échelle réduite. Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh cite dans son ouvrage le résultat d’une recherche menée sur cinq hommes circoncis à l’âge adulte. Les résultats ont démontré « qu’il y a eu une modification négative dans la sensibilité et le plaisir sexuel. L’un d’eux dit que le plaisir avant et après la circoncision ressemble à celui qui voyait (en couleur, ndlr) et ne voit plus qu’en noir et blanc. Un autre a estimé qu’il a perdu 50% de sa sensibilité. Un troisième dit qu’il se sent comme celui qui joue une guitare avec des doigt endurcis par du cal ».
« Je n’ai plus envie de faire l’amour »
Des sentiments que connaît bien Tchando, un Béninois de 45 ans. Il appartient à l’ethnie des Wamas, où l’on circoncit les hommes et excise les femmes à partir de 28 ans pour marquer leur passage à l’âge adulte. Et là , il n’est pas question d’opération à l’hôpital : la circoncision est pratiquée avec un couteau par la caste des Forgerons. Le tour de Tchando, et de 51 autres hommes, est arrivé le 5 mai 1991. Un souvenir qui l’a marqué dans sa chair, mais aussi profondément dans son âme. « [Le jour de notre circoncision,] on nous a tué. Avant, je pouvais faire l’amour quatre fois à ma femme dans la même nuit. Mais maintenant, je peux faire l’amour cinq fois dans tout un mois. Je n’ai plus envie d’avoir des relations sexuelles parce que je ne ressens plus rien. Je n’arrive même pas à bander le matin ! Si ce n’était pas ma femme qui me provoquait, je n’aurais plus de rapports. Les rapports durent d’ailleurs très longtemps, environ trente minutes, alors qu’avant en cinq minutes j’avais déjà éjaculé. Je voulais prendre une deuxième femme, mais à quoi ça sert si je ne peux même pas la satisfaire ? », raconte-t-il avec une amertume empreinte de tristesse et de colère.
Comment expliquer un tel changement ? Le Dr Peter Ball, vice-président de l’antenne anglaise de l’Organisation nationale pour la restauration du prépuce des hommes, estime que c’est la conséquence de la perte du prépuce. « Le prépuce n’est pas juste une protection du gland. Il est essentiel pour avoir une vie sexuelle complètement épanouie et la plupart des hommes en retirent extrêmement de plaisir dans l’intimité, seul ou à deux », souligne-t-il en se basant sur une étude qu’il a faite sur 600 hommes « intacts ». Lui-même circoncis bébé, et ayant récemment « reconstruit » son prépuce à l’aide d’une méthode d’élongation de la peau du pénis, il témoigne que « sans le prépuce, il faut utiliser du lubrifiant lors de la masturbation pour éviter la douleur au niveau du gland et pour que le passage de la main soit plus agréable. En ce qui concerne les rapports sexuels, ils sont plus vigoureux et il faut aussi se servir de lubrifiants ».
Besoin de rapports sexuels « plus vigoureux »
Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh croit savoir pourquoi les hommes ressentent le besoin d’être plus vigoureux. « Le plaisir conféré par la peau qui glisse sur la verge et le gland lorsque l’homme est intact est supprimé après la circoncision. Alors, lors des rapports, les hommes sont plus vigoureux pour compenser le manque des sensations », estime-t-il. Il ajoute que « cela peut causer des irritations à l’homme, parce que la peau du pénis est plus tendue, et à la femme, à cause des frottements ».
Quelques auteurs laissent entendre que, par manque de sensations avec les femmes ou par honte, certains hommes circoncis entreprennent des relations homosexuelles. Le Dr Ronald Goldman, auteur du livre Circumcision the hidden trauma (Circoncision, le traumatisme caché), souligne que l’érosion des émotions due à la circoncision peut provoquer un détachement de part et d’autre dans un couple, ce qui peut mener l’homme à tromper sa femme avec une autre, ou avec un homme. Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh évoque dans son livre une autre théorie : « Un homme circoncis qui perd une grande partie de peau de son pénis ou dont la circoncision a été suivie de complication, peut souffrir de l’érection et de la pénétration d’une femme. Il peut alors chercher le plaisir sexuel avec un homme en se laissant pénétrer ». Et de poursuivre : « J’ai correspondu avec un jeune Suisse qui affirme qu’il est devenu homosexuel à cause de sa circoncision car la relation sexuelle avec les femmes a perdu tout attrait pour lui. »
Tous les circoncis ne sont pas mécontents de l’opération
Pour le Dr Marc Ganem, président de
Il semble que tous les hommes circoncis ne sont pas insatisfaits. Le Dr Erick Dietrich explique pourquoi il pense que certains hommes circoncis tard prennent plus de plaisir lors des rapports. « Ceux qui ont été circoncis pour des raisons médicales, pour un phimosis par exemple (étroitesse du prépuce qui rend difficile de décalotter et peut empêcher le gland de sortir lors de l’érection, ndlr), disent souvent que leur sexualité est plus harmonieuse après l’opération. Il en va de même pour les hommes qui souffraient d’une hypersensibilité du gland, qui ne craignent plus que leur partenaire ne leur fasse mal en les masturbant, par exemple », souligne-t-il.
Tchandopé, un Béninois de 42 ans qui appartient lui aussi à l’ethnie wama, fait partie de ceux pour qui le prépuce était gênant. « Après ma circoncision, que j’ai faite à 28 ans, j’ai constaté qu’il y avait un grand changement. Très satisfaisant. Avant, je n’étais pas à l’aise lors des rapports, notamment parce que le contact entre mon prépuce et les lèvres de ma femme empêchait une pénétration rapide. En plus, je mettais beaucoup de temps à jouir, à tel point que ma partenaire atteignait l’orgasme avant moi et qu’elle s’ennuyait en attendant mon tour. Maintenant tout se passe très bien quand je fais l’amour. Je me sens libre et j’éjacule quand j’en ai envie », assure-t-il.
Les hommes ne se rendraient pas compte de ce qu’ils perdent
Beaucoup moins de sensations, plus de sensations… ou le statu quo. Car quelques hommes disent ressentir une différence minime après la circoncision. Pas étonnant pour le Dr Jacques Waynberg, président de l’Institut de sexologie et auteur du livre Jouir, c’est aimer. « Le plus souvent, les hommes font l’amour dans le but de jouir, et éventuellement de donner du plaisir à leur partenaire. Le prépuce ne leur sert donc à rien, puisque ce qui compte c’est l’érection, la pénétration et la jouissance. Dans ce contexte, un homme non circoncis, qui le serait par la suite pour des raisons médicales par exemple, ne ressentira effectivement pas beaucoup de différence lors des rapports. En revanche, la circoncision peut être responsable d’un déficit de plaisir pour un couple qui vit l’amour en prenant en compte la fonction érotique du prépuce. Il y a en effet des séquences très érogènes avec le prépuce, notamment au niveau de son coulissage sur la verge… », commente-t-il.
Et qu’en est-il de la durée des rapports ? Les circoncis durent-ils plus pendant l’amour ? Le témoignage de Tchando, dont les rapports durent « six fois moins longtemps », pourrait le laisser penser. Mais les spécialistes que nous avons joints ont indiqué que, là aussi, aucune étude d’ampleur ne certifie que les circoncis éjaculent moins vite que ceux qui ne le sont pas.
Selon le Dr Jacques Waynberg, tout est une question d’âge, mais aussi de fréquence de l’activité sexuelle. « Retenons qu’il est tout à fait naturel pour un homme de moins de 40 ans, et qui n’a pas une vie sexuelle intense et régulière, d’éjaculer dans les premières secondes du coït. Il ne faut pas en faire une maladie. C’est une question d’apprentissage et d’harmonie du désir du couple…», confie le ponte de la sexologie française. Aux hommes, donc, d’apprendre à dominer leur excitation pour atteindre le septième ciel en même temps que leur partenaire.
Habibou Bangré
Il serait intéressant de parler du plaisir sexuel féminin avec un circoncis.