L’ordinateur et le théâtre fonctionnent
comme des générateurs de réalité virtuelle :
tous deux offrent des expériences métaphysiques flottantes,
créent des mondes fictifs a l’intérieur desquels
les concepts intangibles reçoivent des formes perceptibles. »
Mark REANEY
Le théâtre/l’acteur/ la réalité virtuelle
Trois remarques doivent être faites au début de cette analyse.
1. La virtualité[1] est devenue un critère omniprésent pour comprendre et expérimenter l’art et la vie contemporaine, ainsi elle peut être considérée comme un nouvel code/medium dans la pratique de la communication interhumaine.
2. Les théâtres virtuels[2] sont les théâtres du XXIieme siècle, qui sont le résultat d’un renouvellement et d’une adaptation des codes/mediums artistiques aux codes de la pratique communicationnelle du public contemporain.
3. Il y a plusieurs types de théâtres virtuels, dont le plus proche des conventions théâtrales traditionnelles est le projet de théâtre virtuel conçu par Mark Reaney, dans lequel il utilise les techniques de l’immersion dans des environnements en réseau et de la réalité augmentée[3] pour créer des mondes virtuels habités par des acteurs vivants. Alors, il s’agit d’un théâtre ou coexistent encore deux régimes de la perception : la représentation théâtrale et la simulation virtuelle[4].
Pour Mark Reaney le théâtre est « la première machine de la réalité virtuelle ».
Le scénographe justifie son affirmation en trouvant des similitudes entre les deux phénomènes : le temps réel de l’action et l’existence d’un « espace de jeu » en 3 D qui repose sur l’illusion. De plus, tous deux (le théâtre et le virtuel) se déroulent en temps réel, ainsi la temporalité de la réalité virtuelle rejoint celle de l’acteur.
La réalité virtuelle, tout comme l’expérience théâtrale, est produite au moment ou elle est expérimentée, chaque fois différente. Elle n’offre pas seulement la possibilité de passer avec fluidité d’un lieu a un autre, sans recourir aux changements a vue des décors, mais elle devient un appui pour le public (les spectateurs portent des lunettes polarisantes qui leur permettent de voir les images en 3 D et ils ont, ainsi, la sensation que les acteurs évoluent dans le même espace que les décors représentés) et pour les acteurs, en montrant non seulement l’action, mais la pensée qui génère l’action, non seulement l’acte, mais l’émotion derrière l’acte. Tous ces éléments donnent une expérience objective qui est interprétée par des acteurs et des images qui montrent l’univers intérieur des personnages, simultanément avec leurs actions. L’espace théâtral devient, ainsi, un espace intérieur « psycho plastique » (Svoboda) ou l’espace et le temps se modifient l’un l’autre, en offrant une image plus complète de l’intérieur et l’extérieur des personnages.
La question qui se pose, alors, est de savoir si la réalité virtuelle, comme instrument pour l’analyse et l’exhibition des mécanismes et des processus psychiques du personnage, est en train de voler à l’acteur son rôle de montrer la vie intérieure des personnages interprétés. Il n’y a pas une réponse unique ou exhaustive à ce problème, mais plusieurs facettes à prendre en compte dans notre réflexion. La réalité la plus probable est la celle d’une situation où il se passe un échange réciproque entre les deux agents dramatiques[5] pendant qu’ils se stimulent, se complètent et s’aident réciproquement, dans le but de réaliser la meilleure performance.
C’est dans cet ordre d’idées que Mark Reaney considère la réalité virtuelle comme un medium de l’expression artistique et un cadre conceptuel excellent pour mettre en question l’esthétique réaliste qui domine la scène américaine.
L’entrée dans une ère cybernétique suppose de nouvelles pratiques de spectacle et de nouveaux outils. Le théâtre qui est, par définition, (« theatron ») fonction d’une relation visuelle et une rencontre, en entrant, aussi, dans le territoire de l’ère cybernétique, ouvre sur une nouvelle visualisation, investit l’espace d’une dimension nouvelle et détermine un glissement du spectacle de l’espace public vers l’espace privé, ou l’acteur a l’opportunité de grandir comme professionnel et de faire avancer son art.
Mark Reaney refuse, aussi, de considérer son théâtre comme un art d’avant garde et préfère la catégorie de théâtre populaire fondé sur des procédures de communication qui se renouvellent avec le public.
Ce théâtre populaire reste, a mon avis, un endroit artistique qui considère encore les acteurs comme des producteurs de sens assez importants dans l’œuvre théâtrale, en leur donnant un espace privilégié pour travailler leurs corps, leurs voix, leur intuition et leur imagination, leur capacité de laisser la place aux autres types d’interprètes (le son, la lumière, la vidéo, l’image virtuelle), et, tout d’abord, de faire confiance dans cette image virtuelle, qui ne peut pas être perçue dans sa globalité (nous pouvons la comparer avec une image filmique) mais qui se passe en temps réel et interagit avec lui, au long de la représentation théâtrale.
La problématique des spectacles par rapport au jeu de l’acteur
L’objectif du projet est de créer un spectacle
mis en valeur par la réalité virtuelle (RV)
et non de produire une œuvre de la RV
utilisant des méthodes théâtrales.
Mark REANEY
Créer une œuvre théâtrale (objectif qui implique l’utilisation des conventions théâtrales), mettre en scène deux pièces expressionnistes qui comportent des problèmes inhabituels de la scénographie, aider le public a développer de nouveaux points de vue sur un texte dramatique, créer des interactions entre les dispositifs de la RV, les interprètes vivants et les spectateurs, de façon à montrer le contexte émotif de ces pièces : voila les enjeux de l’équipe technique et artistique derrière The Adding Machine et Wings.
Des enjeux qui offrent a l’acteur vivant des le début, une position aussi importante que les autres éléments du spectacle, mais dans une structure de relations qu’il trouve plutôt nouvelle.
Le commencement/l’idée/le pacte
Ron Willis, metteur en scène, membre du corps enseignant à l’Université du Kansas depuis 1970 et Mark Reaney, designer technologiste et scénographe au même département travaillaient ensemble pour la mise en scène du spectacle Les Assassins, lorsque Reaney se rendit compte (a partir d’une projection d’un drapeau américain qu’il voulait faire pour une certaine scène) qu’ils pourraient faire la scénographie entière de cette manière. Le projet The Adding Machine soulevé en 1995 devient, ainsi, l’opportunité de développer ses idées scénographiques, mais aussi un cadre pour expérimenter l’impact de la réalité virtuelle sur les autres dimensions du spectacle théâtral.
Dans cet ordre d’idées, les deux artistes, au début, ont fait un pacte : « on doit utiliser un scénario établi et des équipement qui n’étaient pas trop chers, car nous n’avions pas eu un grand budget, on n’utilise pas de matériaux préenregistrés afin de garder la caractéristique live du théâtre et on utilise la RV comme prolongation/instrument d’interprétation des morceaux théâtraux. »[6]
Alors, on a un espace virtuel/réel hybride de jeu qui demeure fidèle aux principes du théâtre et de la RV (les mondes du théâtre et de la RV sont illusoires et demandent aux spectateurs une suspension de leur incrédulité[7] ; ils ont, aussi, la capacité d’être dirigés en temps réel, pendant que l’ action progresse) et des acteurs qui, afin de préserver la dimension spontanée et humaine du théâtre, jouent la majorité des actions, travaillant devant les écrans de projection et devant les cameras vidéo, dans un studio TV, tout près de la scène.
C’est vrai que, comme une autre exploration de la nouvelle technologie, cette production utilise également des personnages générés par l’ordinateur, commandés entièrement par l’acteur/opérateur, en coulisses, mais la commande[8] de la performance dans l’interface de la RV-théâtre dépend seulement des interprètes. Le public peut enlever ses lunettes, mais cela n’influence pas le jeu, seulement la perception de leur jeu.
Par conséquent, on peut affirmer que, au début du projet et dans « le contexte du pacte » le statut de l’acteur est conçu comme celui d’un agent dramatique qui a la fois garde le contrôle sur son propre jeu et se trouve dans un espace théâtral privilégié, ou il emploie la technologie pour ses propres buts théâtraux.
Le casting/ le profil de l’acteur cherché/le protocole de la répétition
Le processus de casting a été comme n’importe quel autre processus de casting.
On a fait une lecture du manuscrit et une lecture avec d’autres acteurs. Il était intense, seulement parce que le rôle d’Emily était une sérieuse séance d’entraînement pour moi, indépendamment du fait que le projet ait été base sur la technologie de la RV ou non. Je considérais le projet comme étrange et peut-être « de réclame ». Il m’a semblé que la RV va attirer l’attention du public sur d’autres aspects et non sur la pièce elle-même.
Jenny NICHOLS
The Adding Machine et Wings sont des projets réalisés dans un cadre universitaire (L’Université de Kansas) par des membres du corps professoral et par des acteurs étudiants qui ont participé à un processus « standard » de casting où, plusieurs metteurs en scène font, d’habitude, une audition pour plusieurs spectacles et projets qui vont se dérouler en même temps, après quoi ils négocient les interprètes.
Le metteur en scène Ron Willis, conscient que dans une production théâtrale qui emploie la RV l’acteur ne travaille pas avec des choses finies (simplement parce que la RV est créée en même temps avec l’action de l’interprète) était a la recherche d’acteurs capables d’exprimer des images théâtrales fortes, une vie émotive forte et, surtout, capables de travailler et de faire confiance dans des systemes spectaculaires incomplets.
Le profil d’un acteur qui joue dans une production virtuelle se résume spécifiquement, dans l’opinion de Willis, a une seule syntagme : un jeu bon et précis, qu’on peut définir plus précisément par la capacité des acteurs d’atteindre les marques, d’arriver et d’être au bon endroit au moment précis et de coordonner ce qu’ils font avec les choses autour d’eux, virtuelles et invisibles, qu’ils ne voient pas, mais qu’ils savent être là, car ils ont développé tout ce sens pendant beaucoup de répétitions.
Les répétitions ont suivi aussi la norme (6 semaines, 5 soirs par semaine, 3 heures par jour ; et sept jours pendant la dernière semaine) ; elles n’ont pas compris d’étapes très différentes par rapport aux répétitions standard (des ateliers ou des formations spéciales pour les acteurs étudiants). La première partie du procédé de répétition a été utilisée pour que les interprètes obtiennent un sens pour les personnages, pour le texte à jouer et pour leurs partenaires de jeu. Ils ont discuté les scènes, les thèmes secondaires, ce que les personnages éprouvaient. L’étape où ils ont commencé à se sentir différents, affirme Jenny Nichols, a été le moment où, d’habitude, « on arrive à jouer et créer des relations avec des objets, et nous n’avons rien eu de tangible, de concret dans l’espace scénique ».
À ce stade, les acteurs, Ron Willis et Mark Reaney ont commencé à parler davantage de ce qui se produisait dans le monde de la RV, et comment ils allaient intégrer cela au travail de l’acteur. En raison de l’intégration relativement tardive de la RV (le systeme en étant expérientielle, ils ont éprouvé des difficultés techniques), le metteur en scène, le scénographe, le reste de l’équipe technique et surtout les acteurs n’ont pas eu l’occasion d’apercevoir l’image globale des spectacles.
Ainsi, ils ont passé plus du temps a parler de ce qui se passe sur la scène et les acteurs ont dû travailler davantage avec un sens intérieur qu’ils avaient acquis pendant le procédé de répétition, a l’aide des discussions avec Willis (qui leur disait a chaque moment ou se trouvait l’image virtuelle, quel était leur rapport avec elle dans l’espace et quel serait le résultat vu par le public) et des explications plus techniques données par Mark Reaney, qui leur décrivait ce qui se produisait avec l’image virtuelle sur le plateau.
L’une des premières choses que nous remarquons, à partir de toutes ces affirmations, est le caractère peu étonnant, peu spécial des processus engagés dans la préparation de ces deux spectacles, par rapport au jeu de l’acteur. Oui, ils demandent à l’acteur plus de répétitions disciplinées, de participer aux explications plus technologiques, mais, selon les deux artistes, Lance Gharavi et Ron Willis, il n’y a pas un changement radical dans le processus de jeu.
« Les choses, disent les deux américains, que nous avons demandé aux acteurs n’étaient pas très différentes que ce que nous demandons aux acteurs dans d’autres situations, déjà familières pour eux. Les acteurs sont habitués à répondre aux choses qui ne sont pas « vraiment » là, à s’engager dans une réalité imaginaire qui n’a aucune référence matérielle. C’est très normal. Nous avons fait une quantité considérable de travail avec l’écran vert, mais ceci est également habituel dans le jeu filmique. »
La chose intéressante que nous remarquons, pourtant, et qui, représente, selon moi, le trait principal du jeu de l’acteur dans ces sortes des productions, c’est le transfert massif et l’emploi de techniques de jeu filmique (le cadrage, la structure incomplète), qui, incorporées et entrelacées avec un style de jeu théâtral, a la fois psychologique, expressionniste et stylisé (l’emploi du mime) donnent un résultat un peu particulier : un acteur dont le jeu est, du point de vue circonstanciel, littéralement théâtral et filmique, simultanément (c’est-à-dire, l’acteur joue en live devant le public, aussi bien que devant un appareil qui capture son image pour la projection simultanée sur un écran), un acteur a la fois mécanique et vivant, qui joue avec et par rapport à un double, ou à un doppelganger[9] .
Les enjeux du projet The Adding Machine et le dispositif virtuel par rapport au jeu de l’acteur
Pour Adding Machine l’enjeu était de mettre en scène ou présenter la vie intérieure des
personnages, pas simplement les surfaces externes. Et nous avons décidé que la vie intérieure serait exprimée par la RV.
Ron WILLIS
L’acteur est invité a participer dans l’étape de la conception du personnage, mais il prend conscience du fait qu’il n’est pas le seul agent dramatique responsable pour l’exhibition de la vie émotive du personnage et que les décors virtuels sont utilisés aussi pour retranscrire une réalité présente ou distante, qui reflète une vision subjective des personnages.
Ainsi, Mark Reaney, dans The Adding Machine présenté en 1995, compose un décor virtuel de subjectivité, qui rejoint les techniques cinématographiques visant à retranscrire par des modes de prise de vue ou des effets spéciaux des visions intérieures de la réalité.
« Si vous lisez la pièce The Adding Machine, dit Ron Willis, vous pouvez vous rendre compte que Elmer Rice, l’auteur, tâchait de faire la même chose, car le paysage et ses descriptions sont évocateurs de l’état intérieur du personnage. »
Le texte d’Elmer Rice est une pièce du répertoire de l’expressionnisme américain (dont le but est de faire entrer le spectateur dans l’univers intérieur de son personnage, de transmettre la signification intérieure des événements), écrite en 1923, qui raconte comment monsieur Zéro, employé de bureau modèle et fidèle époux, en vient à assassiner son patron après l’annonce par ce dernier de son licenciement.
« Nous avons fait le spectacle dans un grand théâtre de 2000 sièges, trop grand pour ce que nous avions à l’esprit. C’est pourquoi nous avons placé le public sur les revêtements de la salle. En fait, les spectateurs faisaient face à un écran de projection, derrière lequel se trouvaient beaucoup d’opérateurs d’ordinateur et beaucoup d’équipement. Les acteurs jouaient et derrière eux il y avait les images 3 D, habitant le même espace que les acteurs vivants. Le système de la RV nous a donné beaucoup de flexibilité pour faire les choses », raconte Ron Willis.
Le dispositif (un gradin dressé sur la scène perpendiculairement a la salle et entouré de rideaux de façon a concentrer le regard des spectateurs sur l’espace de jeu, un cyclorama au fond de la scène, des écrans de projection orientés d’une manière oblique, un studio TV ou les acteurs sont filmés en temps réel, des moniteurs pour les techniciens pour suivre le cours de l’action sur la scène et pour manipuler le POV-le point de vue- a l’intérieur des mondes virtuels) et le choix de la mise en scène, plutôt traditionnelle (une illustration d’un texte a l’aide de la RV qui ne contredit pas l’ordre de la représentation mais, au contraire, démultiplient ses pouvoirs), semblent être faits en fonction des besoins de l’acteur.
Ainsi, le spectacle commence et une série de mondes virtuels (huit scènes différentes comprenant une chambre à coucher, un bureau, un cimetière, une prison, un tribunal, un ciel, et un appartement apparaissent comme des espaces à trois dimensions derrière les acteurs) se déroulent d’une manière fluide devant les spectateurs. Parfois, les objets semblent émerger de l’écran dans l’espace de jeu et les acteurs jouant sur la scène échangent des répliques avec des acteurs qui jouent devant un écran vert dans le studio TV et qui donnent leurs répliques devant une camera vidéo. Leurs images sont ajoutées directement aux mondes virtuels, à l’aide des effets spéciaux.
À la fin de la scène deux, le Patron de Zéro apparaît de cette façon, son visage remplissant finalement l’écran. Les invités de la fête dans l’appartement de Zéro, pendant la scène 3 apparaissent également par l’intermédiaire de l’appareil vidéo, leurs images rebondissant autour de l’écran. Le jury de la scène 4 a été également superposé à la scène, mais dans ce cas, les grands douze visages du jury joué seulement par deux acteurs, ont été produits par l’utilisation d’un objectif qui multiplie les images, placé devant l’appareil vidéo.
En plus, les acteurs semblent « voyager » dans les mondes virtuels : M. et Mme. Zéro entrent et se déplacent dans la chambre à coucher pendant que la scénographie se déplace avec eux vers le droit et gauche. Zéro change sa position dans le lit et le POV du public est élevé au plafond où les spectateurs peuvent regarder l’action d’au-dessus du lit, pendant que l’acteur qui joue Zéro se trouve, en effet, debout, devant l’image 3 D du lit.
Le mouvement dans les mondes virtuels a pris plusieurs formes. Tandis qu’il représentait, parfois, le mouvement physique des personnages (on voit le cercueil de Zéro, puis comment il se lève hors de la terre, dans le cimetière), plus souvent il a reflété l’état d’esprit changeant de Zéro. Zéro regarde par la fenêtre une femme tandis que son épouse est dans la salle de bains, en dehors de la scène ; on entend tirer la chasse de l’eau et l’image de la fenêtre est remplacée par l’image d’un journal. Ou, dans la scène trois, quand il se retourne stupéfié à la maison après avoir tué son patron, les meubles flottent entre le ciel et la terre et les murs de sa chambre sont tournants et inclinés d’une manière extravagante.
Un exemple de la scénographie qui aide et travaille avec l’acteur est la scène dialoguée entre Zéro et son Patron. Pendant que Zéro devient de plus en plus effrayé par l’homme hurlant devant lui, l’image du Patron devient aussi de plus en plus grande, en le maîtrisant.
« Voila un exemple de la vie intérieure et des réactions intérieures du personnage » dit Ron Willis. L’action de l’acteur sur la scène est augmentée par ce qui se produit derrière lui, pendant que l’action et la parole du Patron sont augmentées aussi par les effets de zoom faits en temps réel. Mais, pour arriver a ces effets, l’acteur sur la scène, pour voir ce qui se produit, doit arriver précisément a l’endroit juste et coordonner son jeu avec les images, pendant que l’acteur dans le studio TV doit faire attention et écouter ce qui se passe sur la scène et être capable de jouer et donner la réplique en regardant vers l’appareil vidéo.
Zéro répond à l’image du Patron juste comme il répondrait à un acteur sur la scène. Ainsi, plusieurs fonctions d’un jeu traditionnel de théâtre sont enlevées (la mise en position du corps du personnage sur la scène, dans le cas de Patron et le jeu psychologique subjectif pour montrer la peur, dans le cas de Zéro) et remplacées par des fonctions empruntées au jeu filmique (le cadrage et l’adresse vers l’appareil vidéo, dans le cas de Patron, une mise en position du corps spéciale qui lui permet a voir les images brouillées sur l’écran derrière lui, dans le cas de Zéro).
C’est évident que l’acteur qui interprète Zéro sur la scène continue à jouer d’une manière théâtrale son angoisse (car, a ce moment, son expressivité devient un lien entre l’état d’esprit du personnage, qui est corporalisé sur la scène, et la matérialisation de cet état d’esprit en dehors de personnage), mais, en même temps, le public ne peut manquer ni le fait que le Patron est très grand, ni la réaction interne de Zéro.
Dans l’exemple avec la fenêtre qui se change en un journal, on a l’impression que la RV a tout fait. L’acteur a du être au bon endroit, avec les mains au bon niveau, c’est vrai, mais il a du réagir aussi aux traits spécifiques de chaque situation, il a du jouer l’émotion différente de chaque situation, et, en plus, il a du faire passer ceci : d’une expérience intérieure de la vie a une autre tout a fait différente, d’une manière fluide, rapide, sans jouer effectivement les actions physiques.
Ainsi, par cette interaction acteur/ RV (faisable principalement a l’aide des techniques de film), « tout devient plus audacieux et plus expressionniste », et, selon moi, plus complexe et varié pour l’acteur même.
Les enjeux du projet virtuel Wings et ses caractéristiques par rapport a l’art de l’acteur
Ce projet a été construit autour les progrès technologiques, des technologies qui pourront être entrelacées avec le théâtre. J’ai parfois senti la partie live du théâtre comme une note latérale à la technologie. En tant qu’acteur, j’ai juste essayé de me concentrer sur mon travail. Je pense que la RV a été plus importante que l’acteur. Je pense qu’elle était le point principal du projet.
Jenny NICHOLS
Bien que nous ayons dépensé une grande quantité de temps et de souci pour les aspects techniques de ces productions, le travail de l’acteur a été toujours central.
Lance GHARAVI
Le projet Wings est plus inquiétant et plus problématique par rapport au jeu traditionnel de l’acteur, même si l’enjeu final déclaré a été de donner, aussi, une description théâtrale de la vie intérieure des personnages. L’aspect différent qui a changé en plus les conditions de jeu a été le processus de rendre plus complexe le dispositif virtuel, générateur des images, dont le but était de donner aux spectateurs une vision plus complète de la psychologie du personnage principale : Emily Stilson.
Pièce d’Arthur Kopit conçue a l’origine pour la radio, Wings décrit la lutte d’une ancienne aviatrice Emily Stilson pour survivre a une terrible attaque cérébrale qui l’isole presque totalement du monde extérieur. La pièce est divisée en quatre séquences et se déroule à l’intérieur d’un hôpital. « Catastrophe », la première séquence est un flash-back d’images souvenirs pendant lequel elle ressent dans une période très réduite toutes les étapes de son accident d’avion. « Eveil » et « Explorations » représentent le trajet intérieur pour apprivoiser la réalité. Les scènes sont écrites par l’auteur même comme une partition des paroles, d’images et de sons consignés dans des didascalies précises. Voila un exemple pris de « Notes sur la mise en scène » : Le plateau dans sa nudité. Inutile de chercher un quelconque réalisme dans la représentation de l’univers de Mme Stilson, et d’autant moins que cet univers n’a même plus de réalisme pour elle. Pour le personnage il n’existe plus du frontière ni de localisations précises dans le temps comme dans l’espace. Par convention, la femme que l’on voit au centre du vide est la conscience de Mme Stilson. C’est le moi intérieur qui est au centre de l’expérience.
Des critiques ont trouvé que Arthur Kopit utilise, en effet, pour la description de la perception subjective d’Emily sur la réalité objective, la métaphore d’un système cybernétique qui ne peut plus décoder les informations qui lui sont transmises.
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