L’acteur est son corps dans la mise en scène de Robert Wilson
Je voudrais commencer cette analyse à partir d’un sentiment d’étrangeté que j’aie ressenti, après avoir quitte le Théâtre de L’Odéon du Paris, ou j’ai vu mon troisième spectacle (les premiers deux, Deafman Glance et Black Rider, sur des vidéocassettes) mis en scène par Robert Wilson : Quartett de Heiner Muller. Une étrangeté causée par la confrontation radicale avec une autre vison du monde, concrétisée dans l’espace théâtral, par une rupture schizophrénique entre la réalité du public et la réalité de la scène. Autrement dit, l’étrangeté des corps qui se trouvent entre plusieurs mondes : de l’homme, de la machine et du rêve, articulés dans la lumière.
L’Å“uvre de l’artiste américain Robert Wilson, conceptualisé par le syntagme « le théâtre des images » (King of Spain, 1969, Deafman Glance, The Life and Times of Joseph Stalin, A Letter for Queen Victoria, Einstein on the Beach, 1976, Death Destruction & Detroit, 1979, The Black Rider, 1991, Orlando, 1996, etc.) le montre comme un metteur en scène- auteur du plateau, avec un univers visuel et une identité de travail bien précisés.
Le théâtre de Wilson est un théâtre des métamorphoses, d’ambiguïtés et des correspondances, ou il joue, dans le même temps, les rôles de scénographe, eclairgist, metteur en scène et, parfois, de l’acteur. Cette complexité professionnelle lui a permit d’inventer une réponse a la question du théâtre, au siècle des medias et d’élargir radicalement l’espace pour des conceptions nouvelles de ce qui pouvait être le théâtre.
En plus, ses moyens de travailler avec les acteurs et sa vision sur le corps humain inscrite dans l’espace scénique sont des véritables, comme les anglais disent, signatures d’auteur. Et, c’est sur cet aspect que je vais diriger cette analyse. Robert Wilson fabrique ses acteurs, le modèle imposé par sa vision étant le « corps techniquement infiltré », une image corporelle cruelle, située entre l’organisme et la machinerie, qui ne formule pas un sens mais articule un énergie, qui ne représente pas, mais agit.
Puis, le metteur en scène conceptualise la relation de l’acteur avec son corps, en insistant sur une maîtrise radicale de ses éléments et fonctionnes, jusqu’au le contrôle similaire a une structure mécanisée. On ne peut pas ignorer les influences des autres artistes sur son Å“uvre. L’histoire du théâtre est une histoire de la transfiguration de la forme humaine dans l’espace, disait Oskar Schlemmer, une figure emblématique du Bauhaus. Les signes représentatives du temps contemporain étant la mécanisation et les nouvelles technologies, le théâtre, qui est l’art la plus conditionnée par la dimension temporelle, doit impérativement les assimiler d’une façon ou d’une autre.
L’être humain est vulnérable et trompeur, il permet l’accident, affirmait G. Craig au début de vingtième siècle. La théorie du remplacement de l’être humain par une marionnette, suggère, en effet, le besoin de questionner le rôle de l’acteur dans le contexte du théâtre total. Si le théâtre contemporain suppose une transmutation au-delà du naturel et du réel, alors, l’homme-acteur même, pour se intégrer, doit dépasser sa nature.
Robert Wilson arrive a concrétiser ces idées, imposant aux acteurs de ses spectacles une manière très spéciale d’agir, dont le corps doit se faire exploser hors du son enveloppement biologique, charnel. Sous les regards des spectateurs, la chair est remplace par un prothèse parfait, qui occupe l’espace scénique avec la précision d’une machine.
Les techniques explorés sur ces machines humains sont la variation de rythmes et la défragmentation. Les mouvements des acteurs en slow motion produisent une expérience singulière, qui transforme toute idée d’action. Lorsque le mouvement du corps est ralenti, de telle sorte que le temps du déroulement apparaisse grossis comme avec une loupe, le corps se retrouve exposé dans sa concrétisation, focalisé, et, dans le même temps, découpé du continuum espace-temps comme objet artistique. Le corps et son appareil motrique sont déconstruits. L’acte de marcher est comme décomposé (Merteuil, interprétée par Isabelle Huppert, au début de Quartett, traverse la scène entier, marchant très lentement , alors, le public peut la voir lever le pied, avancer la jambe, etc.).
Les gestes, les mouvements des acteurs sont pures et gratuites, le corps de l’acteur de Wilson, dont le théâtre se retrouve au plus près des arts plastiques, est un « corps du geste », une « figure plastique en mouvement ». Le mouvement résulte d’un abandon du corps, un vrai organisme cinétique autonome, auquel parties anatomiques peuvent être détachés par une rayon de la lumière. Le metteur en scène fabrique des paysages et des « audio landscapes » ou les corps deviennent des sculptures gestuelles, des portraits en pied articulés, lorsque les acteurs se métamorphosent en objets nus, sur lesquels s’applique l’acte de vision du spectateur, d’une manière tout a fait voyeuriste.
Un autre aspect essentiel dans le travail avec les acteurs sont les conséquences de la déhiérarchisons des signes : l’intégration de la forme humaine, au même titre que les choses, les animaux, la lumière, le son. Le statut de l’acteur se change, l’acteur et son corps deviennent des mécanismes, dont le rôle central dans le déroulement est annulé.
Ce déplacement de statut influence aussi la manière dont les interprètes interagissent avec les autres éléments. En Quartett, on a l’impression que les acteurs n’agissent pas sur la scène par leur propre volonté, ou par décision personnelle. Les silhouettes de Merteuil, Valmont et des danseurs demeurent solitaires, retenues dans un réseau de ligne de force (la lumiere) et des voies pré configurées. Il ressemble que les impulses pour leurs actions, les motifs pour leur changement des rythmes sont, simplement, les sons et la lumières. Les corps sont empiéges dans des cages construites a l’aide de l’éclairage et de la musique. Les bruits amplifiés, les frappements et les changements brusques des lumières sont des marques pour le changement des rythmes corporels, prenant la forme d’un destin artificiel.
Le corps est, aussi, support pour les autres éléments : en particulier, pour les couleurs forts (le rouge du costume de Valmont, amplifié par une lumière rouge, le violet de la robe de Merteuil, le vert et le bleu sur les deux danseurs), pour des matériaux et des coiffures hybrides qui confusent de plus l’identité des personnages, pour des maquillages expressionnistes, exagères, presque géométriques, en reflétant l’architecture cubiste, abstrait (un table, des chaises, un sofa stylises, un grande ovale noir, un aquarium) crée par les rayes de la lumière qui pénètrent l’espace,
Ensuite, la technique de la répétition employée par Wilson, rend le corps un double (le couple de danseurs, derrière le rideau translucide, sont les miroirs de Merteuil et Valmont – le thème du miroir est un leitmotiv en Quartett, les personnages utilisant leurs mains comme des miroirs dans lesquels ils se regardent) et une partition des gestes qui crée du présence et du tension scéniques : ‘le mouvement d’un doigt de Merteuil, le mouvement lente, circulaire du danseur suspendu.
Le metteur en scène explore l’image bidimensionnelle cinématographique de la Marquise, projetée dans la lumière et l’ombre, d’une manière esthétique très belle, mais qui ne raconte aucune histoire. Les non personnages n’ont pas une identité sexuelle, pas même une typologie (les répliques de Valmont sont donnes par Merteuil, et ils jouent aussi les rôles de leurs victimes), ils sont des individus solitaires, sans désire de contact charnel (la seule fois que Merteuil embrasse Valmont est quand elle joue le rôle de madame de Tourvel).
Les acteurs jouent le texte sans l’interpréter, leur présence devenant visible au moment qu’ils s’inscrirent dans l’espace, autrement dit, a fois qu’ils entrent en relation avec les autre éléments (les écrans, les ciclorames, la lumière, les microphones, la bande préenregistrée) et produisent des expériences dans l’espace scénique. Plus vous êtes mécanique, plus vous êtes libre Notre seule chance de faire mieux que les machines, dans cet âge des machines, est de devenir une machine.(Robert Wilson)
L’acteur, dépourvu de sa psychologie, doit trouver la liberté créatrice qui nourrit l’énergie et la force du spectacle.
Et, cette liberté, a mon avis, se trouve dans le corps, mouvement est fixité à la fois, qui existe simplement dans la lumière, qui glisse dans son monde, sans graviter, dans une manière qui fait penser aux rêves.
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